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La bénédiction, un acte liturgique

Je ne puis voir le Christ. Je suis parti pour un pays lointain. J’ai perdu ma patrie. Je me nourris de caroubes (Luc 15,18).


Peu d’hommes mesurent l’étendue de leur exil. L’éternité est laissée de côté. Pourtant les disciples du Christ se doivent de cultiver les mêmes sentiments, les mêmes élans du cœur, la même tension intérieure que leur maître. Au cœur de cette quête secrète et intime, les désagréments de la vie quotidienne sont vite effacés, la peine allégée…

Rendons-nous alors à l’église et célébrons ensemble la liturgie céleste !


« Nous te rendons grâce, à toi, à ton fils unique et à ton Esprit Saint pour tous les bienfaits connus ou ignorés, manifestés ou cachés, répandus sur nous » (1).

Le prêtre rend grâce pour toute chose et pour la liturgie même.


« Personne n’a de soi-même la sainteté, et ce n’est pas l’effet de l’humaine vertu, mais tous ceux qui la possèdent l’ont de lui et par lui. C’est comme si plusieurs miroirs étaient placés au-dessous du soleil : ils brillent tous et émettent des rayons, vous croiriez voir plusieurs soleils, alors qu’en réalité il n’y a qu’un seul soleil qui brille en tous. De même, Jésus Christ, le seul qui soit saint, se versant dans les fidèles, brille en un grand nombre d’âmes et fait resplendir un grand nombre de saints ; Il est pourtant le seul et unique Saint, et d’ailleurs « à la gloire du Père » ». (2)


Le prêtre célèbre la sainteté de Dieu, duquel il tient sa propre sainteté, sainteté « fonctionnelle » qui peut se transformer peu à peu en sainteté « personnelle » par son ascèse quotidienne… « Vous serez saints, car je suis saint » (1 Pierre 1,16) ou encore « Car je suis le Seigneur, qui vous ai fait monter du pays d’Egypte, pour être votre Dieu, et pour que vous soyez saint car je suis saint » (Lévitique 11,45).


A plusieurs reprises, le prêtre appelle la paix, la miséricorde, le pardon et la bénédiction sur le peuple de Dieu. La bénédiction est une forme très élevée de prière. Tous les offices de la sainte Eglise commencent par une bénédiction de Dieu, une supplique à la déification :


« Sois attentif Seigneur Jésus Christ notre Dieu, de ta sainte demeure et du trône de gloire de ton royaume, et viens nous sanctifier. » (3)


Fort de cette bénédiction l’évêque, le prêtre, l’higoumène, le staretz ou staretza, bénit à son tour :


« Seigneur, Toi qui bénis ceux qui te bénissent et sanctifie ceux qui mettent leur confiance en Toi, sauve ton peuple et bénis ton héritage » (4).

Le sommet de la vie ecclésiale est atteint dans la liturgie commune, source de bénédiction.

 

Dans sa vie personnelle, le fidèle est à même de demander la bénédiction à un évêque, à un prêtre, à un ou une higoumène :

Au prêtre, il dit : « Père, bénis. »


L’usage roumain est le suivant : le fidèle incline la tête et y reçoit le signe de la croix. Dans l’usage russe, le fidèle présente ses mains croisées paumes vers le ciel. Le fidèle peut, dans les usages grec et russe, embrasser la main droite, la main qui bénit, « la main du Christ », par exemple les saints dons au moment de l’épiclèse. (5)

Le prêtre, en raison de son ordination, serviteur de l’autel, transmet la sainteté de Dieu au fidèle qui la demande.

Le prêtre répond : « Que Dieu vous bénisse. »


Il n’est donc pas dans l’usage ecclésial de répondre par la même formule. Il ne s’agit pas de politesse, mais d’un processus de sainteté, par la parole et le geste. La bénédiction, étymologiquement, « bene dicere », dire le bien.


De même, on ne serre pas la main de l’évêque ou du prêtre. « La bénédiction renforce notre union à Dieu » précise le père Dimitru Stanilaoe. Elle est un mystère de l’économie divine, un rappel à la verticalité de la relation à Dieu, elle nous constitue comme « personne », hypostase unique et irremplaçable dans le plan divin.


La Mère de Dieu rend visite à sa cousine, entre dans la maison de Zacharie et salue Elisabeth. Elisabeth bénit Marie la Mère de Dieu, la Théotokos, la porteuse de Dieu (Luc 1,39-49). Remplie du Saint Esprit, elle s’écrie :


« Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni ».


Le prêtre tressaille d’une joie secrète lorsqu’il bénit un fidèle de l’Eglise, baptisé et porteur du Christ à travers la communion au corps et au sang divins. La bénédiction restaure l’homme dans sa dignité, d’être créé à l’image de Dieu et promis à la ressemblance de Dieu, selon la vision patristique. L’évêque, le prêtre, l’higoumène tiennent leur fonction du Christ (Hébreux 3,1-6). Il s’agit de servir. « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Matthieu 20,28).


La bénédiction procède de la liturgie qui se prolonge dans le temps, hors du temps de la liturgie. Le chrétien orthodoxe est celui qui va sur ce chemin de liturgie en liturgie, tout au long de son existence terrestre, « capitalisant » les bénédictions et en vérité à l’affût de toutes les sources de bénédictions. (6) « Après la consécration des saints dons, le cataclysme de la joie, de l’allégresse – qui n’est pas toujours le même car il dépend de nous et de l’économie dont Dieu fait preuve à notre égard – était tel qu’alors seulement j’ai compris que je célébrais, qu’à cet instant j’étais devenu Christ. Ainsi notre journée sera la continuité de la liturgie et une préparation à la liturgie suivante ». (7)

  

1) Prière d’action de grâce avant l’épiclèse. Divine liturgie de saint Jean Chrysostome.2) Citation de saint Nicolas Cabasilas. p.486 on Archimandrite Cyprien Kern. « L’Eucharistie » - Étude historique, théologique et pratique. Éditions Apostolia, mars 2023.

3) Prière après la consécration des dons et avant l’élévation de l’agneau. Divine liturgie de saint Jean Chrysostome.

4) Prière de l’ambon lue par le prêtre au milieu du peuple. Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome.

5) Épiclèse du grec : invocation. Au cours du canon eucharistique, demande au Père d’envoyer le Saint Esprit afin de transformer le pain et le vin en corps et sang du Christ.

6) L’Église, dès l’origine, a eu coutume de bénir les lieux (jardins, potagers, vergers, vignes, puits, maisons...), la nourriture, un certain nombre d’objets, les automobiles...

7) Archimandrite Aimilianos. Catéchèses et discours n°4. Le culte divin, p.148. Éditions Ormylia, 2004.



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